L'illustrateur Yvon Le Gall (1)

 

Yvon Le Gall Yvon Le Gall

Yvon Le Gall illustre les romans de Philippe Ebly parus à la Bibliothèque Verte jusqu'au Matin des dinosaures et Un frère au fond des siècles, à l'exception des Trois portes, du Robot qui vivait sa vie et de SOS Léonard de Vinci. Pour les premiers lecteurs, il est simplement indissociable des Conquérants de l'Impossible, parce qu'il leur a donné un visage, et parce que ses couvertures sont alors sans exception, des réussites totales, frappant l'imagination des lecteurs, et se déployant sans difficulté jusque dans leurs rêves.

Sa disparition, des plus étranges pour les jeunes lecteurs ignorant tout de sa vie, laisse un blanc que même au début de ce 21ème siècle sur-informé, Google ne parvient pas à combler, et c'est seulement grâce à sa fille, Clotilde, que tout va changer. Je suis donc très honoré et extrêmement reconnaissant de vous présenter son interview, illustré des images d'Yvon Le Gall que Clotilde a tenu à nous faire parvenir.

L'énigme de l'Atlantide Fort Navajo

Est-ce que votre père vous avait parlé des illustrateurs qui l'avaient inspirés, ou de ses goûts en matière de Science-fiction et de Fantasy?

Mon père était inspiré par les Blake et Mortimer d'Edgard-Pierre Jacobs, par Blueberry de Jean Giraud, par Little Nemo in Slumberland de Winsor McCay, par les magazines Fluide Glacial et Pilote et par plein de documents.

Mon père adorait travailler à la plume et l'encre de chine. Il était aussi très doué pour peindre aux encres de couleur. Son meilleur livre illustré à mon sens est entièrement réalisé aux encres. A mon sens, c'est une merveille, « contes et légendes du monde entier » chez F. NATHAN 1972.  C’est un livre très rare, je suis la seule à l'avoir dans la famille et nous n'avons pas récupéré les originaux, donc j'ai numérisé toutes les planches.

Contes et légendes du monde entier

Est-ce que votre père a rencontré Jean Giraud ou Edgar-Pierre Jacobs ou d'autres auteurs qu'il appréciait?

Il n'a rencontré que Jean Giraud. Il avait toute la collection des Blueberry c'est mon frère qui l'a maintenant. J'ai la collection des chevaliers Vaillant et Alix. On a tous poursuivi les collections après sa mort.

Est-ce qu'il lui arrivait de participer à des festivals de bandes dessinées ou d'autres évènements tant que sa santé le lui permettait?

 Il n’a jamais participé à un salon de la BD. Il a participé à une émission de télé à la sortie du tour du monde en 80 jours à Nantes. Emission que nous avons gardée en cassette VHS !

Yvon Le Gall à la télévision

Est-ce que votre père vous faisait découvrir toutes ces bandes dessinées, ces romans et ces albums quand vous étiez enfant, ou bien aviez-vous une bibliothèque bien à vous?

Nous avons eu accès à toutes ses affaires, sa bibliothèque, ses disques, ses documents, tout était dans sa « pièce à dessin » comme nous disions et il y était installé une grande partie du temps….. Il nous les a fait aimer.

Beaucoup de musique. Il faisait du bignou breton, de la flûte traversière et de la flûte de pan. On dessinait avec lui soit en face de lui sur sa table à dessin soit sur la table à dessin de ma mère dans la même pièce. On a utilisé tout son matériel et appris au quotidien toutes les techniques, les trucs…. il nous passait même ses calques que nous pouvions réutiliser pour faire de nouvelles planches et les coloriser à notre guise. Très patient, je ne me suis disputée avec lui qu’une fois à 18 ans, je lui avais manqué de respect. Je ne l’ai jamais entendu crier et on lui a toujours obéi.

Destination Uruapan Celui qui revenait de loin

Comment avez-vous découvert les romans de Philippe Ebly et quels étaient vos préférés ? Votre père vous prêtait les exemplaires que lui envoyait Hachette, ou bien vous les offrait?

Les Philippe Ebly que je préfère, moi, c'est Destination Uruapan, Celui qui revenait de loin, l'évadé de l'an II. Après, j'ai aimé toute la série. 

Enfants, nous n’aimions pas lire à part les BD, aussi ma mère nous lisait tous les livres qu’avait illustré mon père et c’est comme cela que nous avons découvert les Compagnons de l’impossible et d’autres bien sûr pendant les vacances. (Vacances que nous passions tous ensemble à partir de 1973, car nous avions une maison de campagne où nous avons passé la totalité de nos vacances scolaires (mon père y avait sa table à dessin et son matériel.) Ma mère était prof d’arts plastiques en lycée professionnel et avait toutes les vacances.

Gérard Philippe à la radio Pierre Dac, l'os à moelle

Nous n’avions pas la télé à la maison par choix éducatif et la radio était en stéréo dans sa pièce. Il avait fait un système pour que les enceintes encastrées dans des placards pivotent pour que le son arrive directement dans le salon quand nous y étions. Nous écoutions les feuilletons radiophoniques tous les soirs et les pièces sur France culture le samedi soir quand nous étions là. (Ruis Blaz, le prince de Hambourg avec Gérard Philippe).

Ici Gérard Philippe lit Ruis Blaz sur le site de l'INA

Ici la série radiophonique du Chevalier à la charrette, sur le site de l'INA

Il enregistrait en cassette audio tout cela pour pouvoir les réécouter car il aimait le théâtre. Il nous a enregistrait une série qui s’appelait le chevalier à la charrette (lancelot du lac) ; Dracula qu’il nous faisait écouter le soir. Il adorait l’humour loufoque : les Branquignols, « vos gueules les Mouettes » ; Obaldia, Pierre DAC, Desproges, par exemple.

Sur France inter : le tribunal des flagrants délires… Villeret dans « le loulou de banlieue », l’histoire du « gobe douille » de Claude Piéplu dans les années 70-80. Il aimait faire des blagues et nous faisait beaucoup rire. Toutes les situations cocasses étaient propices à la rigolade. Dans la résidence où nous habitions certains couples un peu caricaturaux étaient particulièrement ciblés.

Légendes et récits de la Gaule et des Gaulois Contes et légendes, l'invitation (Yvon Le Gall)

Il a été malade de 1963 à 1984 soit 20 ans, n’en parlait jamais ça ne se voyait pas mais c’est pour cette raison qu’il s’est mis à son compte et a installé son travail à la maison. Il était en permanence avec nous et je peux vous dire qu’on en a profité et lui aussi. Je crois que c’était sûrement son but aussi car à l’époque sa maladie était considérée comme fatale c’était une question de temps plus ou moins long avant la fin. Il accompagnait et allait rechercher ma sœur à l’école matin midi et soir quand nous étions à l’école primaire et elle à l’école maternelle.

Il nous racontait toutes sortes d’histoires qu’il inventait ou qu’il illustrait… notamment les contes et légendes : il en a illustré un grand nombre. C’était un conteur remarquable, légendes bretonnes… à chaque fois qu’il lisait un bouquin nous en profitions par ses récits parfois effrayants…. Pour nos âges !

Pendant toute une période, il nous a raconté tous les soirs avant de dormir l’histoire de « René Bonne Soupe » ; c’était génial. Dommage qu’on n’ait pas enregistré. C’étaient les aventures d’un garçon de notre âge qu’il inventait au regard de la météo, de l’actualité …. Elle avait commencé un repas de dimanche au chaud dans notre cuisine alors qu’il neigeait très dru. René ne pouvait plus sortir de son immeuble tellement il avait neigé aussi avait-il creusé un tunnel. A la sortie, il était tombé nez à nez avec un pingouin…. Son immeuble avait disparu sous la neige et René était au pôle nord, avait rencontré Paul Emile Victor et les aventures commençaient….

 

Fin de la première partie de l'entretien.

La seconde partie de l'entretien se trouve ici.